GRANDS FORMATS

Diptyque Demain et Après-demain
 série Folmonde, où la folie humaine lutte corps à corps avec le Temps

Ce diptyque a inspiré l'Asticot Erectus, farce métaphorique de l'aveuglement d'une espèce qui, sous le prétexte qu'elle se déplace debout et a découvert le cure-dent, va chambouler son environnement.

En voici un extrait :

(...)
« PLUIE D’ÉPINES DANS LA RÉGION EST DU GRAND BALCON
 Ce matin, Jean XXIII Pigeon, s’en revenant de son footing aérien, se posa sur la branche d’un pommier où, depuis trois semaines, il a coutume de prendre son petit déjeuner avec d’autres habitués. Étonné mais non inquiet de ne pas voir ses poteaux commenter l’actualité de la veille, Mr Pigeon noua en sifflotant sa serviette autour du cou. Il s’apprêtait à tremper son bec dans un fruit quand il fut sauvagement agressé par une forêt de cure-dents. Piqué de toutes parts, le pauvre emplumé vola vers d’autres terrasses, en quête d’un arbre moins hostile. »

Telle fut la Une sensationnelle de l’édition du soir de la gazette locale. Le peuple ailé s’indigna. Des cris s’élevèrent jusqu’au plafond, pareilles à des flèches lancées en l’air, puis retombèrent mollement sur le plancher, façon confettis le lendemain de noces. Mais le Lombric Debout (ci-après désigné LD), lui, ne s’égosilla pas en vain. Il agit. 

Vous savez comment va le monde, qu’il soit du genre bipède, quadrupède ou upède. Il va mu par l’esprit d’imitation !

Sitôt la nouvelle répandue dans les fruits véreux, la fière race des asticots redressés se précipita aux quatre coins du triplex, renversa tout sur son passage et dévalisa toutes les boites de cure-dents. Lorsque le jour chassa la nuit, le LD, du plus jeune au plus vénérable, était armé, bien décidé à imposer sa loi, défendre son territoire et rediriger la chaîne alimentaire à son unique profit. Cet épisode fut célébré sous le titre de « Révolution curedentique », laquelle devait conduire à la conquête des terres de Flore, au détournement et à l’exploitation de ses biens à des fins égocentriques, à la destruction de certaines espèces indigènes et à l’asservissement d’autres. L’ère Astico erectus avait sonné ! 

Douze heures après le pillage des réserves de bâtonnets dentaires, la privatisation des fruits était sanctifiée. De la farouche mûre à la joufflue pomme, en passant par la mirabelle dorée ou l’abricot velouté, tous devinrent la propriété exclusive d’une famille redressée, jalousement gardés par des haies de cure-dents. Les autres vers, les primaires, les autochtones, ceux qui marchaient ventre à terre - l’Astico flascus, ainsi les désignèrent par la suite les grands savants LD quand ils pondirent le concept de l’ère Astico erectus -, n’eurent d’autres choix que de s’ouvrir le ventre, de mourir de faim - ce qui est une forme plus subtile de suicide - ou de signer un contrat d’esclavage à durée illimitée. Du reste, pour empêcher l’hémorragie des forces vives, l’astucieux propriétaire fruitier inventa une divinité à son image, laquelle promettait aux vils suicidés de barboter ad vitam æternam dans une marmite léchée par des flammes assidues, alors qu’au-dessus d’eux croassait une nuée de corbeaux aux becs patibulaires et plumes d’acier. Ou aux becs de plomb et plumes sanguinolentes. Ou aux ongles ferreux et œils fumigènes. Les représentations de ces sympathiques volatiles évoluant au fil des saintes controverses.
(...)

Extrait de Bauta 
série Les Masques, où la véritable personnalité se dénude